Dans quels domaines travaillez-vous à Labrit ?
Nous sommes une entreprise spéciale. Nous travaillons dans la gestion du patrimoine immatériel et de sa valeur, et nous sommes la seule entreprise en Europe à le faire. Nous recueillons la mémoire orale depuis 12 ans et avons collecté environ 3 000 récits de vie, principalement en Navarre. Nous avons 5 000 à 6 000 heures d'audiovisuel dans notre corpus.
Nous avons maintenant démocratisé cette méthodologie et l'avons proposée au grand public à travers du service appelé Vitagrama. Grâce à Vitagrama, toute famille peut sauvegarder la mémoire de sa famille pour les générations à venir. C'est le plus grand défi que nous avons actuellement.
Nous sommes aussi conseillers en gestion de la valeur : communication, recherche, diffusion (documentaires, sites internet).
Nous avons des travailleurs de différents profils à Labrit : des anthropologues, des historiens, la moitié sont des ethnographes ; l’autre moitié des communicateurs. La diffusion du corpus est tout aussi importante que sa diffusion collecte. Cela n'a aucun sens de le collecter si après ça reste rangé dans un tiroir ; nous compilons des histoires de vie dans un format audiovisuel. Ce qui n'est pas transmis à travers l'écran dans les prochaines générations ne se transmettra probablement pas. Il est de notre responsabilité de faire en sorte que cela se produise.
Qu'est-ce que le patrimoine immatériel et pourquoi est-il important de le collecter ?
Le patrimoine immatériel est le savoir qui se transmet de génération en génération par la communication orale. Il peut s'agir d'une recette pour faire du caillé, par exemple, ou des instructions pour déplacer un bateau. Il peut s'agir de littérature orale, de manifestations culturelles (une danse, les chorales de Santa Ageda...). L'UNESCO identifie sept domaines : les traditions orales, les arts du spectacle, les usages sociaux, les rituels, les fêtes, les savoirs et pratiques sur la nature et l'univers, et les savoirs et techniques liés à l'artisanat traditionnel.
Nous avons réussi à le garder depuis des générations, c'est maintenant à nous de le transmettre aux générations futures, mais pas de manière fossilisée. Si nous prenons n'importe quelle manifestation culturelle, par exepmle l’alarde ou la tamborrada, et la mettons dans une boîte en disant que c'est ainsi, la prochaine génération ne le ressentira sûrement pas à eux. Nous devons faire vivre cette manifestation et la faire vivre dans la vie de ceux qui en sont les protagonistes aujourd'hui. Cela n'a peut-être pas de sens aujourd'hui de transporter du bois en radeau par la rivière, mais ce que nous avons réussi aujourd'hui, c'est d'adopter cette coutume de manière identitaire et de maintenir cette manifestation vivante. Les jeunes d'aujourd'hui de Roncal et de Salazar construisent des radeaux et la tradition s'est perpétuée au cours des dernières générations. C'est pour cela que c'est important.
Comment préserver ce patrimoine immatériel ?
Notre méthodologie est de le conserver en format audiovisuel. Quand quelque chose doit être inventorié, quelque chose de plus technique par exemple, nous le faisons aussi par l'audiovisuel. Nous avons un serveur très puissant et c’est là que tout est bien indexé. Nous avons beaucoup investi dans la création de ce corpus qui a de plus en plus d'applications.
Dans quelques villages vous avez recueilli ce que les gens ont vécu pendant cette pandémie. Quels témoignages avez-vous reçu ? Quels témoignages avez-vous reçu ?
Lorsque nous étions dans le premier confinement, toute l’équipe se connectait via skype tous les matins, et dans ces connexions, nous commentions les divers témoignages sur la chute de neige de 1929 qui a été très significative en Navarre. À l’époque ils ont été confinés chez eux pendant des mois. Nous avons examiné ces témoignages et commenté que nous reviendrons sur ce confinement que nous avons vécu dans 80 ans. Nous avons fait des diverses recherches par rapport à ça. Pour commencer, dans les premiers jours du déconfinement, nous avons recueilli des témoignages dans plusieurs communes, à Leitza et Atarrabia, par exemple. Nous avons également exploré d'autres domaines : la première année sans les fêtes de San Fermin ou sans la fête du berger à Uharte-Arakil, par exemple. Nous avons mené cette recherche dans des zones géographiques et sociales spécifiques. C'est très intéressant et beaucoup d'émotions ont été suscitées à la suite de cela. La façon dont nous comprenons la vie a beaucoup changé et a donné plus de valeur à la mémoire que nous avons conservée. Beaucoup de gens n'ont pas pu dire au revoir comme il fallait à leurs proches, ils n'ont pas pu recevoir ce souvenir, et ce souvenir préservé est devenu un petit trésor pour leurs proches.
Vous avez aussi fait la campagne « Et toi, tu le vois ? » d’Emakunde. Quel genre d'expérience a-t-il été?
Cette campagne est un exemple très clair de l'utilisation de la mémoire orale. Les témoignages de sept femmes ont été recueillis et cette campagne est née à la suite d'autres dynamiques que nous avons menées avec elles. Les témoignages qu'on y voit sont réels et cela a donné beaucoup de crédibilité à la campagne. Une des bases a été celle-ci : qu'il y a de vrais témoignages et que cela se passe autour de nous. C’est à vous le de voir ou pas, mais ça arrive à tous les jours.
Vous avez le Certificat Bai Euskarari et avez récemment été nommé membre du conseil de direction de l’Association Bai Euskarari. Quelle est la place de l’euskara chez vous ?
Toute l'équipe de travail est bilingue et c'est notre langue de travail. Notre devise est « Cultiver l’identité » et la langue est un élément essentiel de l'identité. Pour nous, l'euskara est notre langue de travail et de vie.
En tant que membre du conseil de direction de l’Association Bai Euskarari, quelle contribution voudriez-vous apporter ?
Un regard vers la périphérie, forcément. C'est notre plus grande contribution. Les situations et les besoins ne sont pas les mêmes partout, et les réflexions non plus ; cette diversité apporte du sens au conseil de direction. Et c'est un travail que nous accomplissons avec une grande fierté.
Vous aussi vous pouvez soutenir notre projet en devenant Bai Euskarari Laguna.
L’objectif de l’association Bai Euskarari est d’impulser l’utilisation de l’euskara dans le secteur socio-économique, et cela dans tout le Pays Basque. Le certificat ou Label bai Euskarari est l’élément le plus distinctif de l’association, et en plus de ce projet, nous en avons d’autres qui visent à accroître l’utilisation de l’euskara toujours dans le secteur socio-économique : tel que le réseau d’entreprise et de professionnel Enpresarean, le portail de travail Lansarean, le comité d’entreprise Euskaragileak, Lanabes-Araban Euskara Lanean, etc.
Notre projet est principalement viable grâce à l’apport des entités certifiées, à savoir grâce à la communauté Bai Euskarari. Cependant, vous pouvez tout de même soutenir notre projet sans obtenir de certificat en devenant Bai Euskarari Laguna.
De plus, l’association Bai Euskarari a reçu la dénomination d’activité prioritaire de mécénat par Gizpukoako Foru Aldundia. Ainsi, vous aurez un avantage fiscal dû à la contribution faite à Bai Euskarari : une déduction de 18% pour les entreprises et 30% pour les particuliers.
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